OPINION

Le Financement Durable des Activités de la Conservation

Par S.E Thierry MATISSE, Ambassadeur , Chef de la Délégation de la Commission Européenne au Gabon, en Guinée Équatoriale et à Sao Tomé et principe( 2009).

Nous célébrons ce mois les secondes journées des aires protégées avec pour thème principal :

le financement durable des activités de conservation et le développement humain à l’intérieur et en périphérie des aires protégées

Ces journées permettent de fédérer l’engagement collectif en matière de préservation de la biodiversité et de répondre aux préoccupations légitimes de tous les acteurs et intervenants de la conservation et du développement durable.

Paradoxalement, à l’heure où la protection de l’environnement est devenue une préoccupation universelle, la Conservation se trouve au cœur de débats qui la fragilisent. Et ces débats se déroulent tant au niveau des populations qu’à l’échelon des décideurs locaux ainsi qu’au niveau des bailleurs de fonds.

Pour leur part , les populations ont tendance à penser que la conservation des aires protégées limite leurs activités et s’oppose à leur propre développement. Le véritable défi est de faire percevoir aux populations riveraines des aires protégées qu’elles sont des acteurs à part entière de la conservation et que leur implication dans la gestion durable des ressources contribue à leur développement socioéconomique.

La participation des populations est désormais intégrée dans les phases d’aménagement de gestion et de valorisation des aires protégées. Il faut cependant approfondir et considérer le processus en termes de retombées économiques et sociales. C’est pour cette raison qu’au niveau scientifique et économique, on commence concrètement à donner une valeur monétaire aux ” services environnementaux” et à la valorisation des aires protégées.

Il est stratégique d’initier et de consolider un changement de la vision que les populations locales ont de la conservation afin qu’elles la.considèrent comme une source d’opportunités pour le développement des synergies entre développement et conservation est tout à fait réalisable, surtout avec l’implication des populations en leur faisant ressortir les avantages.

Des expériences de ce genre ont été développés par exemple dans le cadre de la mise en place de modèles de gestion durable la faune en misant sur la conservation de la faune au coeur des massifs forestiers par la minimisation de l’impact de l’exploitation forestière et du braconnage, la durabilité et la rentabilité de la chasse villageoise se voient renforcées.

De même, avec le développement du tourisme communautaire ou de l’écotourisme, les populations encadrées, formées et rémunérées pour organiser des activités touristiques bénéficient de retombées économiques qui leur permettent de réaliser des projets de développement local ( construction de pharmacie, d’épicerie, mise en place de potagers, ect.) et de réinvestir dans ces nouvelles activités économiques.

Les politiques quant à eux se réjouissent des résultats obtenus dans le domaine législatif:  Code forestier, loi sur les Parcs nationaux, classement de plus de 10% de la superficie du territoire gabonais en aires protégées-Que de progrès réalisés en quelques années ! Mais il reste un aspect important à ne pas négliger. C’est l’application de ces lois et le financement des moyens nécessaires à leur application. 

Dans de nombreux cas , la traduction de ces textes de lois entraîne des choix politiques parfois impopulaires et une volonté politique de tous les niveaux des décideurs. Là , plus qu’ailleurs, il faut poursuivre les efforts pour que le travail réalisé porte durablement ses fruits.

Et pour les bailleurs de fonds qui se concentrent désormais sur l’approche plus globale du changement climatique, il est nécessaire d’accompagner la réflexion du financement durable des aires protégées. Si c’est le thème retenu par le RAPAC pour ces journées des aires protégées, c’est bien parce que après plus de 15 années de soutien de la communauté internationale où de nombreuses aires protégées ont pu être aménagées et protégées aujourd’hui se pose concrètement la question de la poursuite de ces financements.

Il n’existe désormais des pistes nouvelles pour un financement durable, s’appuyant sur les produits de la rétribution des services environnementaux ou sur des fonds mobilisés par des fondations auprès du secteur privé.

L’attention internationale se concentre de plus en plus sur le changement climatique et sur les mécanismes REDD ( Reducing Émission from Deforestation and Dégradation) , avec la possibilité concrète dans le moyen/long terme d’avoir à disposition des fonds liés à l’utilisation de ” market/financial inventives” pour la réduction des émissions de carbone dues à la déforestation et à la dégradation des forêts dont pourront aussi bénéficier la conservation et les populations locales .

 Il faut bien sûr dans le court terme se préparer aux différents niveaux et avec tous les acteurs impliqués a la mise en place des structures et des capacités humaines nécessaires en concevant des actions pour garantir des phases d’apprentissage et de lancement de ce nouveau processus. Il faut cependant en définir les modalités de mobilisation et de mise à disposition pour que ces fonds participent concrètement à la conservation.

Éditorial publié dans le journal CI à l’occasion des 2eme Journées des Aires Protégées d’Afrique Centrale en 2009.