INTERVIEW

Entretien avec M.Guy DE BONNET , Expert UNESCO Paris sur le bilan de l’initiative CAWHFI.

Dans le cadre de l’organisation des journées des aires protégées d’Afrique Centrale, M. Guy DE BONNET a accordé une interview à la rédaction de Coopération Internationale ( CI) sur le bilan de l’initiative CAWHFI destinée à la conservation des Aires Protégées. Interrogé par Brice NDONG pour CI, M.DE BONNET évoque les nouveaux enjeux de la conservation.

CI: Comment percevez-vous l’organisation des Aires Protégées d’Afrique Centrale ?

Guy DE BONNET: Les Aires Protégées sont l’instrument le plus important pour conserver la biodiversité. Cela s’applique notamment à l’Afrique Centrale dont la nature offre de fortes potentialités en matière d’études des échantillons de cette biodiversité. Les aires protégées constituent à cet effet la base de ces études. Depuis la première édition, plusieurs activités ont été menées grâce à l’appui de structures extérieures comme ECOFAC. Je pense qu’il faut surtout voir comment le RAPAC ( Réseau des Aires Protégées d’Afrique Centrale). compte pérenniser ces activités en renforçant l’appui national de ces aires protégées à travers les budgets des États, la sensibilisation des populations et le soutien de la communauté internationale.

CI:  Le Comité de pilotage de Brazzaville avait orienté deux priorités à savoir, le renforcement de la gestion des Aires Protégées et l’implication effective des acteurs concernés Quel bilan faites-vous de ces recommandations ?

Guy DE BONNET :  L’initiative CAWHFI est multipartenaire et notre mission est consacrée essentiellement à ces deux priorités que vous avez citées.CAWHFI a deux composantes. La première est financée par la Fondation des Nations-Unies et traite du renforcement des aires protégées et la seconde financée par le Fonds francais pour l’Environnement Mondial (FFEM) est axée sur l’implication des parties prenantes qui se trouvent autour des aires protégées à savoir : les populations locales, les entreprises forestières et les autres intervenants se situant dans une zone plus large que les aires protégées.

L’objectif de CAWHFI est de renforcer la conservation des aires protégées par la surveillance des paysages naturels qui existent autour de ces aires protégées. Cela se fait avec la participation de tous les acteurs.

CI: Justement, l’implication de ces acteurs vous paraît -elle effective?

Guy DE BONNET : je pense qu’il s’agit d’un processus. Nous travaillons dans trois paysages transfrontaliers de quatre pays. En tenant compte des spécificités entre les pays et les sites , il y a nécessairement plusieurs étapes dans l’initiative CAWHFI. Vous avez les pays comme le Gabon où la densité de la population est plus faible que son voisin le Cameroun. Ce qui fait que les enjeux sont différents alors que la problématique reste la même. En dépit des spécificités dans chacun de nos sites, un pas important a été fait par l’initiative CAWHFI et tous les autres acteurs de la conservation en Afrique centrale pour travailler de concert avec les populations locales et l’industrie forestière. Nous avons dépassé l’époque où il existait un antagonisme entre le camp des conservateurs et celui des exploitants forestiers. Par contre, il y a de nouveaux défis qui nous attendent avec l’avenue d’un autre type d’intervenant dans nos régions à savoir les exploitants miniers.

CI: Comment allez -vous gérer ces nouveaux exploitants ? 

Guy DE BONNET : Ce n’est pas très facile mais il a quelques expériences dont on peut s’inspirer. Au Gabon , on a l’expérience de Gamba Concouati avec SHELL qui a été assez positive dans la mesure où des compromis ont été trouvés entre la conservation et l’exploitation pétrolière. Donc on ne part pas de rien. Par contre, il y a d’autres nouveaux intervenants comme des compagnies chinoises qui n’ont pas les mêmes exigences de leurs clients dans la nécessité de conserver la nature. Cela va demander nécessairement une adaptation du monde de la conservation. Le défi est de trouver des solutions qui peuvent accepter le développement nécessaire et de protéger les grandes richesses de ces régions. Il faut éviter la situation que nous connaissons dans d’autres endroits où les aires protégées deviennent des îlots dans un paysage complètement artificiel. Ce serait dommage d’en arriver là en Afrique centrale.

CI: Qui doit jouer ce rôle ?

Guy DE BONNET : l’UNESCO en particulier peut aussi jouer ce rôle parce que nous ne sommes pas une ONG de consommation . Nous avons une culture de travailler avec les États qui sont membres de l’UNESCO et de la Convention. La Chine étant aussi un membre de ladite Convention, il s’agit là d’une opportunité pour nous de faciliter ce dialogue. Il faut aussi comprendre que lorsque l’initiative CAWHFI avait été mise sur pied,on avait pas cette situation. C’est un changement radical qui vient de se produire et auquel nous devons faire face. C’est un grand défi aussi bien pour les pays de la région que pour le monde de la consommation.

CI: Que pensez-vous des initiatives visant la création des agences nationales en faveur de la protection des aires protégées ?

Guy DE BONNET :  Je crois que l’Afrique Centrale a fait un grand pas en avant en consacrant une grande partie de ses territoires à la création des aires protégées. Ce qui est important c’est que  la conservation soit sur l’agenda de ces pays . La conservation n’est plus regardée comme un frein au développement. Il y a aussi un réseau qui a été mis en place appelé RAPAC . l’Afrique Centrale, a mon avis, a su rattraper le retard qu’elle avait vis-à-vis du reste du continent en matière de conservation.

CI: La LOPE du Gabon a été cité comme un site mixte du Patrimoine mondial. Quel état des lieux dans les autres pays?

Guy DE BONNET : Il y a la République Démocratique du Congo qui a cinq sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Je vous rappelle  que ce pays est signataire de la convention depuis 1974 et son prestigieux site du WIRUNGA a été inscrit en 1978. C’est l’un des premiers sites du patrimoine mondial. La liste du patrimoine mondial est restrictive. Nous avons des experts qui travaillent là -dessus avec des arguments conventionnels. Il y a plusieurs sites qui ont été répertoriés dans cette étude. Après la LOPE , nous allons préparer les États membres au choix du TNS ( Le Complexe écologique Tri-National de la Sangha s’étend sur trois pays , le Cameroun, la Centrafrique et la République du Congo), qui est un site transfrontalier prioritaire pour l’inscription. Il y a aussi dans le cadre de CAWHFI, le site gabonais de Gamba Concouati et ses alentours qui offrent des arguments convaincants d’inscription sur la liste du Patrimoine mondial bien que le pays n’ait pas été inscrit sur la liste indicative des Experts en raison de l’exploitation pétrolière.

En savoir plus sur l’initiative CAWHFI Gabon : https://www.cafi.org/fr/pays-partenaires/gabon

Interview réalisée par Brice NDONG au siège de l’UNESCO à Paris dans le cadre de la 2eme édition des journées des aires protégées d’Afrique Centrale ( 2009). Collaboration, Florence PALLA ( RAPAC), Paul MESSI (correspondant CI Paris).