REPORTAGE

Projet IGAD /PRODIAG : 23 ans dans la terre, deux agriculteurs urbains gabonais nourrissent la ville.

Evelyne Mawandji :

Quand ce projet a vu le jour, il n’y avait aucune habitation ici. Aujourd’hui, il y existe un quartier qu’on appelle IGAD. Le projet a amené la route et le développement

Un problème crucial chaque jour : comment réussir à nourrir toute la famille ? Et pourquoi ne pas transformer nos villes en jardin potager ? Eugène et Evelyne, deus agriculteurs gabonais ont consacré leur vie à la terre pour sortir de la précarité. Aujourd’hui, ils sont au cœur du business vert de la capitale.

Plus de la moitié de la population gabonaise vit à Libreville. Tout le monde veut venir en ville parce que les populations pensent que c’est un meilleur endroit pour vivre. Quand ils s’installent, ils s’aperçoivent que le coût de la vie est très élevé. C’est très difficile pour eux d’avoir la nourriture à table tous les jours.

l’État gabonais a pensé avoir une solution : la création du potager urbain rendu possible grâce à la mise en œuvre des projets de développement par l’Institut Gabonais d’Appui au Développement ( IGAD).

Dès sa création en 1992, l’IGAD a lancé son premier projet Maraîchage -Elevage-Champion, financé par l’État gabonais et l’Agence Française de Développement. les premières initiatives consistaient à utiliser l’espace urbain disponible à Libreville et dans la Commune d’Owendo pour y installer des périmètres d’exploitations agricoles.

En contre bas du quartier Alibadeng situé au nord de Libreville, un centre Agro Pastoral a été crée. Nous sommes allés à la rencontre de deux exploitants agricoles gabonais pionniers. Evelyne et Eugène Tous deux font partie des premiers agriculteurs formés et installés ici par l’IGAD en 1993 dès la création du centre.

Mawandji Evelyne est une femme courageuse et battante. Chaque matin, elle quitte son domicile situé à Nzeng Ayong pour visiter ses plantations d’Alibandeng . Quand elle est arrivée dans le centre, elle avait 33 ans , elle en compte aujourd’hui 56 . A notre arrivée, elle avait déjà labouré sa parcelle et arrosé ses cultures qui ont été repiquées la veille.

Tout comme Evelyne, Eugène MOULOUNGUI ne fait que ça depuis 23 ans.

Personne ne pensait qu’on pouvait cultiver ces terres qui étaient couverte de sable. Nous avons aménagé nous-mêmes et planté

, nous dit-il.

Eugène MOULOUNGUI a 51 ans. Il est le secrétaire général de la Coopérative des Maraichers du Gabon ( COMG) créée en 2014.

Quand il s’est installé dans le centre en février 1994, il avait 2 enfants. Aujourd’hui, il en compte 6; une maison de 3 chambres et des parcelles de terrain.

Quand je viens le matin, le soir je retourne avec de l’argent à cause de mes légumes

, assure-t-il.

Ce matin, une commerçante est venue faire la récolte pour aller revendre au Marché de la ville. La récolte ici; des oignons, des épinards, du poivrons, du folon, la laitue, la tomate et plusieurs variétés d’assaisonnement.

La recette est un mélange de matières organiques et d’engrais. La Société Meunière et Avicole du Gabon ( SMAG) livre aux Maraichers 6 camions de fiente de poule par mois. Ici on reconnaît qu’on est pas totalement Bio.O’ fait de l’agriculture raisonnée. Grâce à cette technique, les légumes poussent convenablement.

D’une superficie totale de 7, 5 hectares, le centre Agro Pastoral d’Alibandeng contient 65 parcelles maraîchères de 1000 mètres carrés et huit bâtiments dans lesquels sont élevés 700 porcs dont 50 géniteurs. Sous des dizaines de hangars , plus de 60 légumes différents sont cultivés.

Ici n’importe quel légume vaut cher sur le marché.En quelques années, les exploitants expatriés notamment les Burkinabè se sont installés dans les parcelles. Ils cultivent la terre et font des bénéfices. Ils ont explosé le marché. Ce qui se passe est que les propriétaires gabonais ont sous-loué leurs parcelles quand ils sont partis.Puis, lorsque l’IGAD a transféré l’autonomie de gestion de la coopérative, les parcelles ont été attribuées à cette entité.

Pas si sûr mais les responsables sont unanimes, les exploitants Burkinabè ont apporté un plus à leur activité.

Avant nous cultivions des produits locaux à faible revenu mais avec l’arrivée des Burkinabè, nous avons découvert des produits plus rentables comme la laitue, du poivron ou la tomate, etc”

, déclare Eugène.

 Ils sont aujourd’hui 30 exploitants agricoles gabonais dont 10 femmes parmi lesquelles notre interlocutrice Evelyne.Pour l’instant, la cohabitation avec les Maraichers expatriés se passe bien, nous ont -ils dit.

Le problème d’eau est crucial en saison sèche. Les agriculteurs sont obligés de réduire leurs zones cultivables. Au départ, les agriculteurs utilisaient les fûts. Depuis 2 ans , la coopérative a fait installer des cuves de 2 mètres de profondeur pour la conservation de l’eau. 

Pour accroître la production agricole, l’Etat gabonais, avec l’appui de l’Agence Française de Développement, a mis en place en 2011 le Programme de Développement des Investissements Agricoles du Gabon (PRODIAG). Ce dernier a permis la mise en place d’un nouveau forage hydroélectrique. D’un coût de 35,2 Millions de FCFA, ce forage permet d’irriguer les cultures et abreuver du bétail. Sa mise en service a permis le renforcement de la production de légumes d’environ 70 tonnes. Avant , les exploitants achetaient des semences, actuellement, ils en produisent eux-mêmes.

Ils ont créé des pépinières un peu partout. Mes bénéfices nutritionnels pour les populations sont bien supérieurs . L’idée est de manger mais aussi de gagner de l’argent.

Le projet a créé des bénéficiaires directes et indirectes. Les commerçants s’approvisionnent ici en légumes, les livreurs rachètent pour alimenter les hôtels, restaurants, marchés et hôpitaux -commercant, livreurs, transporteurs, chacun fait son chiffre d’affaires.

La plupart des agriculteurs n’ont pas été a l’école des cadres ( École à vocation agricole) ou à l’USTM ( Université des Sciences et Techniques de Masuku) . Mais aujourd’hui, le projet fait que les étudiants et universitaires viennent chaque année pour faire des recherches au Centre Agro Pastoral d’Alibandeng. Il n’y a aussi les visiteurs de tous horizons : diplomates , politiques, hommes d’affaires, acteurs de développement qui apportent leur soutien au Projet.

A l’époque, le centre fonctionnait avec des regroupements d’association. Actuellement, avec la création de leur coopérative , les exploitants gèrent de manière autonome.Tout le monde n’est pas membre de la coopérative mais contribue à son bon fonctionnement.

Le Centre Agro Pastoral d’Alibandeng est situé sur la propriété de l’aéroport de Libreville ( ADL) . Les conventions signées entre ADL et l’État s’achèvent en 2018. La plus grande inquiétude des agriculteurs aujourd’hui est de se voir déguerpir au terme des dites conventions. Leur souhait est que l’Etat gabonais érigé cette zone définitivement en ” Zone Agricole”.

L’agriculture urbaine est une solution face à l’explosion des prix et à la sécurité alimentaire. On le sait très peu, l’agriculture urbaine est plus productive que l’agriculture rurale. C’est pourquoi on peut la cultiver de manière intensive. Pourquoi devons-nous être favorables au potager urbain ? Pour que les gens puissent manger et vivre. On ne peut pas continuer à regarder les gens souffrir.

Evelyne et Eugène sont sortis de la précarité grâce à la vente des légumes. Ils sont aujourd’hui des exemples à suivre. Mais quand ils seront fatigués qui les relèvera ? Il serait souhaitable que l’Etat gabonais avec l’ensemble de ses bailleurs de fonds renforcent le plaidoyer et multiplient des actions à l’endroit des jeunes Gabonais pour qu’ils s’intéressent à la terre. La terre ne ment pas quand on sait lui faire appel.

Grand Reportage réalisé par Brice NDONG , Sandrine Mabiala et Régis NGUEMA .

Merci à Evelyne Mawandji et Eugène MOULOUNGUI pour leur collaboration. Publié dans le journal CI  N°71 du 27 Juin 2016